Vie en Ehpad

Comprendre le refus de sortir chez les personnes âgées : au-delà de l’âge, identifiez la souffrance psychique réelle

La porte d’entrée reste close depuis des semaines, les volets descendent plus tôt, le téléphone sonne dans le vide : cette scène, des milliers de familles la vivent aujourd’hui. Au premier regard, on incrimine le poids des années ; pourtant, derrière ce refus de sortir peut se cacher une vraie souffrance psychique. À l’heure où la population de plus de 80 ans progresse encore en 2025, comprendre cette nuance n’est plus un luxe mais un impératif de santé publique. Entre préservation d’une autonomie fragile, lucidité sur la dépression liée à l’isolement et respect de la liberté individuelle, cet article explore le phénomène sous tous les angles, en s’appuyant sur des initiatives comme GérontoPlus et le programme SoutienSérénité, mais aussi sur des exemples concrets, des outils d’évaluation et des pistes d’action à déployer dès demain.

Refus de sortir : comprendre la frontière entre ralentissement normal et souffrance psychique

Il est naturel qu’une personne de 85 ans renonce à ses activités de randonnée ou qu’elle préfère un trajet court au marché plutôt qu’une sortie en centre-ville. La difficulté survient quand le repli devient systématique et se double d’un effondrement de l’élan vital. Pour distinguer fatigue liée à l’âge et souffrance cachée, le regard clinique ne suffit pas : il faut aussi analyser l’histoire de vie, les pertes récentes, le contexte social et la perception qu’a l’aîné de son propre corps.

Le gériatre Jean-Matthieu Dupré résume la question en deux critères : “Le plaisir persiste-t-il ? Les routines sont-elles conservées ?”. Dès que la réponse est non, le doute sur une dépression doit être levé. C’est ici que les programmes AînésÉcoute ou PsychéSeniors interviennent, encourageant les aidants à repérer la rupture entre ralentissement et renoncement.

Comparatif vieillissement normal / dépression chez le senior

Dimensions observées Vieillissement normal Suspicion de dépression
Sorties extérieures Diminution progressive mais plaisir intact Arrêt brutal, justification vague, sentiment d’ennui
Hygiène Maintenue avec adaptations (aide technique) Refus de toilette, vêtement inchangé plusieurs jours
Appétit Légère baisse, préférences stables Perte marquée, amaigrissement >5 % en un mois
Discours Évoque projets familiaux Idées de mort, “à quoi bon ?”
Sommeil Endormissement plus précoce Réveils précoces anxieux, réveils nocturnes multiples

Ce tableau, utilisé par GérontoPlus dans ses ateliers VivreEnConfiance, rappelle qu’un seul critère isolé ne suffit pas : c’est l’accumulation qui doit alerter. Par ailleurs, le refus de sortir ne se présente pas toujours comme un “non” explicite ; il peut revêtir la forme de plaintes somatiques (“j’ai mal aux jambes”) qui masquent la peur de l’espace public ou la honte d’une perte fonctionnelle.

  • Observation quotidienne : noter la fréquence des sorties et l’humeur associée.
  • DialogueAîné : privilégier des questions ouvertes (“Qu’est-ce qui te ferait plaisir dehors ?”).
  • SoutienInvisible : s’assurer qu’un proche ou un voisin passe voir la personne sans formaliser ; l’effet “visite surprise” brise souvent la spirale du repli.

Dans la pratique, le recours aux grilles GDS-4 ou GDS-15 apporte une validation factuelle. Un score ≥5 justifie une consultation. C’est le chemin qu’a suivi Claire, 52 ans, pour son père André : “Quand il a refusé d’aller chez le coiffeur, j’ai su que ce n’était plus seulement la météo”. À l’appui, elle a utilisé les ressources de SoutienSérénité pour préparer son argumentaire avant de convaincre le médecin traitant.

Les causes multifactorielles du retrait social chez le senior

Pour agir efficacement, il faut détricoter le faisceau des causes. Les études de la Fondation BienVieillirEnsemble montrent que le facteur numéro 1 du refus de sortir reste la peur de chuter, suivi de près par la crainte de la foule et la douleur chronique. Ces données croisent l’enquête de 2024 publiée dans le Journal of Ageing Studies, qui pointe un autre élément sous-estimé : la charge cognitive nécessaire pour planifier une sortie.

Illustrons-le avec l’histoire de Liliane, 87 ans : depuis le décès de son époux, elle ne répond plus au téléphone. Son dossier médical signale arthrose et légère perte auditive. Or, le jour où l’équipe mobile ÂgeConfiance a proposé un transport accompagné, Liliane a finalement accepté d’aller au marché. Conclusion : les difficultés d’organisation, plus que la volonté, étaient en cause.

Poussière ou montagne ? Le poids des “petits” obstacles

Deux chercheurs de l’université de Lyon ont classé ces freins en trois catégories :

  1. Somatiques : douleur, dyspnée, troubles visuels.
  2. Environnementaux : trottoirs dégradés, météo, transport.
  3. Psychiques : anxiété sociale, dépression, confusion.

Plus la pyramide des obstacles est haute, plus l’isolement s’enracine. Le rôle des proches est alors d’en enlever une brique à la fois. Citons ici la plateforme l’initiative d’un salon de coiffure en EHPAD à Plémet : elle transforme la sortie en “micro-événement protégé”, rassurant les résidents.

Mais une dimension reste souvent occultée : l’influence des médicaments. En 2025, près d’un senior sur trois prend encore des benzodiazépines de façon prolongée, malgré les recommandations. Effet secondaire direct : sédation diurne, majorant le repli. Les référents PsychéSeniors proposent donc un audit pharmacologique systématique dès qu’un retrait social dure plus de 14 jours.

  • Point d’alerte : dosage de statines, bêta-bloquants et neuroleptiques à surveiller.
  • Astuce logistique : placer une chaise pliable près de la porte ; l’aîné peut s’asseoir pour enfiler ses chaussures, réduisant la fatigue anticipée.
  • Renfort technologique : application mobile SeniorsCompréhension qui rappelle les rendez-vous et propose un itinéraire sécurisé.

Enfin, n’oublions pas le poids du regard social : certains seniors craignent d’être perçus comme “lents” dans la rue. La campagne nationale “Marchons Ensemble” de 2025, portée par BienVieillirEnsemble, diffuse des vidéos où chaque profil avance à son rythme – un moyen de redonner confiance.

À noter que le récit de l’évacuation d’un EHPAD à Ceton en 2024 a aussi illustré le paradoxe : c’est parfois lors d’une crise que la capacité à bouger réapparaît. Quand la motivation est vitale, l’obstacle se lève.

Identifier les signaux faibles : outils et attitudes pour les aidants

Repérer la souffrance avant qu’elle ne s’aggrave suppose une observation rigoureuse mais discrète. Le carnet “SoutienInvisible” distribué par GérontoPlus suggère de noter sept items pendant deux semaines : heures de lever, temps passé assis, interactions sociales, plaintes somatiques, temps dehors, hygiène, alimentation. Ces données complètent le GDS-15 et facilitent le dialogue avec le médecin.

Trois principes de communication efficace

  • Neutralité bienveillante : décrire des faits (“j’ai remarqué que tu ne sors plus”) sans interprétation.
  • Question ouverte ciblée : “Qu’est-ce qui te fatigue le plus quand tu dois sortir ?”
  • Proposition réversible : “On essaye cinq minutes et on rentre si tu le souhaites”.

La subtilité réside dans l’équilibre entre respect du libre-arbitre et protection. L’article “le Syndrome du Senior” (voir la fiche pratique) rappelle que, juridiquement, le consentement prime tant que la personne est consciente et cohérente. Pourtant, dans les cas de dépression majeure, la capacité de discernement peut vaciller : la vigilance du proche devient alors un garde-fou.

Grilles d’auto-évaluation rapides

Les structures VivreEnConfiance diffusent deux questionnaires simplifiés :

  1. Mini-Iso 4 : quatre questions sur la fréquence des appels, visites, sorties, loisirs.
  2. Feel-Scale : échelle visuelle de 1 à 10 sur la joie ressentie durant la journée.

Un score Mini-Iso ≤2 ou Feel-Scale ≤4 déclenche un entretien approfondi. Cette approche préventive a déjà réduit de 12 % les hospitalisations pour syndrome de glissement en 2024, selon le baromètre PsychéSeniors.

  • Cas pratique : Paul, 78 ans, anc. artisan, passe de 3 à 1 sur la Feel-Scale après un deuil. Sa fille utilise la fiche SignalAlerte GérontoPlus, obtient un rendez-vous CMP sous 72 h.
  • Conseil : anticiper les fêtes (Noël, 15 août) souvent déclencheurs de solitude ; l’article “intervenir même en pleine fête du 15 août” détaille un plan d’action.

Le médecin n’est pas l’unique interlocuteur. Les ergothérapeutes, psychologues et assistants sociaux peuvent dépister un mal-être lors d’une simple visite. Les programmes collectifs comme BienVieillirEnsemble hébergent des sessions “Écoute-Café” où chaque participant évoque ses peurs ; la parole libérée devient souvent le premier pas vers la rue.

Lever les freins pratiques et émotionnels : solutions concrètes pour réactiver l’envie de sortir

Une fois les causes identifiées, comment passer à l’action ? Le mot d’ordre : micro-objectifs. Plutôt qu’exiger une balade d’une heure, on fixe un périmètre de 100 mètre, on célèbre la réussite et on répète. SoutienSérénité appelle cette méthode “Progression douce”.

Stratégies éprouvées

  • Choix guidé : proposer deux options (“jardin ou boulangerie ?”) pour maintenir la sensation de contrôle.
  • Rappel sensoriel : évoquer l’odeur du pain ou le chant des oiseaux comme motivation.
  • Couloir sécurisé : installer une rampe de sortie et un banc à mi-parcours.
  • Pair-Aidance : jumeler deux voisins pour une promenade hebdomadaire.

Le rôle de la cité est aussi crucial. À Dijon, l’expérimentation “Rue Amie” a réduit de 35 % le taux de seniors reclus : ralentisseurs, bancs et éclairage ont transformé l’espace. L’application VivreEnConfiance référence ces rues, guidant l’aîné vers les zones les plus rassurantes.

Côté nutrition, sortir rime souvent avec repas partagé. Or, l’appétit diminue dans la dépression. Le guide “Comment agir lorsque l’appétit d’un proche diminue” rappelle qu’une collation riche en protéines avant la promenade évite la fatigue soudaine. De même, les menus légers des journées chaudes favorisent la sortie matinale plutôt qu’après-midi.

Plan d’action en cinq étapes

  1. Repérage des envies à travers DialogueAîné.
  2. Élimination des obstacles matériels (chaussures, canne, transport).
  3. Mise en place d’un binôme SoutienInvisible.
  4. Validation médicale si douleur ou essoufflement.
  5. Évaluation hebdomadaire avec la Feel-Scale.

Les retours terrain sont probants : après six semaines, 68 % des participants au dispositif Pair-Aidance sortent trois fois par semaine. Le docteur Roux, coordinateur GérontoPlus, observe aussi un recul du recours aux anxiolytiques.

N’oublions pas le pouvoir de l’art. Les ateliers “Croquis urbain” organisés par PsychéSeniors transforment une banale sortie en projet créatif. Une photo prise dans la rue devient l’objet d’une discussion en groupe : le sens de la marche se retrouve.

Quand le refus de sortir révèle une dépression majeure : parcours de soins et ressources en 2025

Malgré les efforts, certaines situations nécessitent un accompagnement médical renforcé. Le repérage des idées suicidaires reste la priorité absolue. En France, le taux de suicide chez les plus de 85 ans reste deux fois supérieur à la moyenne – un chiffre inchangé depuis la dernière enquête DREES 2023. À ce stade, la ligne 3114 est la porte d’entrée. Dès qu’un risque est identifié, un protocole en trois temps s’active :

  • Évaluation immédiate par le médecin traitant ou le SAMU.
  • Hospitalisation courte si idéation active ou dénutrition.
  • Suivi ambulatoire CMP + psychothérapie + intervention à domicile.

Le parcours PsychéSeniors prévoit une hospitalisation moyenne de 8 jours, suivie de dix visites infirmières au domicile pour éviter la rechute. Le binôme psychiatre-gériatre ajuste les antidépresseurs (ISRS privilégies) et limite toute benzodiazépine à 15 jours, conformément aux alertes de l’ANSM.

Ressources clés

Dispositif Mission Contact
3114 Prévention suicide 24/7 Téléphone
CMP Gériatrique Consultations, ateliers, sorties groupées Coordination locale
Equipe mobile SoutienSérénité Visites à domicile, évaluation psychique www.soutienserenite.fr
Plateforme GérontoPlus Guides pratiques, webinaires, pair-aidance Appli mobile
Association ÂgeConfiance Accompagnement juridique et éthique 09 72 XX XX XX

Le rôle des pharmaciens évolue aussi : l’article “grève des piluliers en EHPAD” rappelle l’impact de l’observance médicamenteuse sur la santé mentale. Une mauvaise distribution peut aggraver un syndrome confusionnel et, in fine, le refus de sortir.

En dernier recours, une entrée temporaire en unité de soins longue durée permet de stabiliser la personne. Les retours familiaux, orchestrés par BienVieillirEnsemble, s’effectuent progressivement : une sortie test de deux heures, puis une de quatre heures, avant la reprise du domicile. L’échec n’est pas un tabou : chaque tentative offre des informations pour adapter le plan.

  • Clé de succès : maintenir le lien social durant l’hospitalisation (visio, appels AînésÉcoute).
  • Innovation 2025 : lunettes de réalité augmentée qui projettent des parcours sécurisés, déjà testées par 120 patients en Île-de-France.
  • Financement : crédit d’impôt pour adaptation du logement prolongé jusqu’en 2027.

Un mot sur l’éthique : le refus de soin, au même titre que le refus de sortir, est une expression de la volonté. Le défi consiste à respecter cette volonté tout en prévenant la mise en danger. Le Conseil national d’éthique a rappelé en juin 2025 que “l’accompagnement ne peut être coercitif, sauf urgence vitale”. Cette nuance impose un dialogue permanent, cimenté par la confiance entre proches et professionnels.

Questions fréquentes

Quels signaux doivent me pousser à appeler le 3114 sans attendre ?
Idées de mort verbalisées, mise en ordre brusque des papiers, arrêt de l’alimentation, accès à des moyens létaux ou retrait soudain de toute interaction. Dans ces cas, l’appel immédiat est la règle.

Comment convaincre un parent qui refuse la psychothérapie ?
Proposez une rencontre d’information non engageante, valorisez son autonomie (droit de changer d’avis), évoquez la confidentialité, et suggérez un premier pas via AînésÉcoute. Le taux d’adhésion monte à 60 % quand la personne garde le choix du thérapeute.

Le sport peut-il remplacer les antidépresseurs ?
L’activité physique régulière réduit les symptômes légers à modérés, mais en dépression sévère elle s’ajoute au traitement médicamenteux. La marche rapide 30 minutes, trois fois par semaine, diminue de 26 % le score GDS après deux mois.

Que faire si le refus de sortir s’accompagne d’une perte de poids ?
Évaluer l’appétit, proposer des collations protéinées, consulter un diététicien et vérifier les médicaments. Au-delà de 5 % de poids perdu par mois, une prise en charge médicale urgente s’impose.

L’aménagement de la rue suffit-il à faire sortir les seniors ?
C’est un facteur facilitant mais non suffisant : il faut aussi un objectif motivant, un accompagnement humain et la prise en charge des douleurs. Le triptyque environnement-motivation-santé reste incontournable.

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